|
Document sans titre
Vive le Revival!
Le rock garage, ses cibles (et une paire
de Converse) |
|
Je
fais partie de ceux qui sont nés tard (trop tard?). Je fais partie
de ceux qui ont raté les icônes du rock. Je fais partie
de ceux qui se mordent les doigts de ne pas avoir eu 20 ans il y a 30
ans. De ceux qui écoutent inlassablement les albums de chanteurs
morts ou de groupes disloqués. De ceux qui abhorrent les récurrences
de la techno, ceux qui déplorent le manque de fraîcheur
et d’épaisseur dans les portions “musicales”
des dernières décennies (et qui ne crachent pas néanmoins
dans leur paire de Converse qu and la fm passe de la fusion). Je fais
donc partie des cibles idéales, des proies parfaites pour le
Rock Revival. Résultat des courses: je me suis jetée à
corps perdu dans les bacs. J’ai dévoré Ze Vines
et englouti Ze Hives, j’ai adoré Ze White Stripes et chéri
Ze Kills: j’ai succombé aux “Ze” groupes le
retour. Je me suis laissée porter par cet engouement soudain
pour le recyclage 60’s et 70’s. Et je suis loin d’avoir
été la seule. |
Tendance bestiale et tignasse qui sue |
Le prix des jeans élimés a quadruplé,
les usines de badges tournent à plein régime, les franges
de cheveux gras sont descendues dans les rues, le commerce des rouflaquettes
(autocollantes) flambe comme un feu de poils. La tendance est définitivement
au rock pattes d’éph, au slam qui sue, au pourri wah wah,
au bestial brut, à l’Ouest, comme à l’Est.
À côté de Robbie Williams qui se dandine en maillot
T-Rex et des poitrines où fleurissent les t-shirts type "are
you experienced?", le pompon trend y de la veine revient à
Bébé Priscilla: elle a revêtu un kilt pseudo-rockette
dans ce qui n'était hélas pas son dernier clip! C’est
donc une déferlante sur l’Europe, à plusieurs étages
(musique, mode et la socialisation qui en découle), à
la fois britannisation et rockisation des continentaux. Et la marée
Revival se révèle une poule aux œufs d’or pour
tous: musicaux (jeunes ou vieux recyclés), producteurs, modistes...
|

The Datsuns |
Société polissée,
fugue dans le passé |
|
Comment
se fait-il que ce Rock des origines marche aussi bien? Observons les
principaux intéressés, ceux qui alimentent la machine:
les djeuns (d’aujourd’hui). Le teenageur moyen est plutôt
léthargique, apathique, plongé dans l’immobilisme,
miné par la passivité. Sa télé, sa play
(ou son ordi) et sa radio le nourrissent d’une culture douceâtre,
dont les coins obtus ont soigneusement été pon cés
pour lui en faciliter l’ingestion. La société est
polissée, les raves parties contrôlées, le défoulement
aseptisé. Ce défoulement si nécessaire (soupape
de dépression “naturelle” aux 10-30 ans de toutes
les couleurs) et si cher aux jeunes d’autrefois a pris des formes
aussi variées que le mouvement hippie ou hard rock, punk ou hip
hop; le besoin de rébellion, de confrontation avec les “bonnes
mœurs” s’y est illustré brillamment. Aujourd’hui,
face au retour des valeurs traditionnelles, conservatrices, nous sommes
quelque peu pris au dépourvu. Pas de mouvement contestataire,
pas de réaction (pesée ou épidermique), pas de
visée commune. Dès lors, où le jouvenceau déverse
ses hormones (de croissance)? Où s’écoule sa hargne,
ses surdoses d’énergie, sa détermination à
la puissance 10? |
Riffs hédonistes, peaux emballées |
Eh bien, en volumineuse partie, dans le Rock Revival,
ce qui explique son su ccès. Chacun y trouve son bol de piquant,
son shoot quotidien de foutoir. Et pourtant, ce son garage a déjà
vécu ses heures de gloire et ne peut vraiment pas réinventer
la poudre. À première vue, le Rock Revival n'est qu’un
banal recyclage d’une vieille recette qui marche. Concrètement,
on ne conçoit rien dans le sens où l’on ne recompose
pas de nouveau monde, de nouvel univers musical. On reçoit le
bol d'héritage et on s'en abreuve selon ses papilles. Comment
ne pas tilter devant l’influence des Beatles auprès des
Sights, par exemple? Ou celle des Status Quo sur les Richmond Sluts?
Ou celles des Stones et des Kinks sur les Strokes et les Hoggboy? Cela
d’ailleurs donne aux bad boys une tenue de soirée, cela
redore leur blouson de cuir, cela confère des lettres de noblesse
à leur prose brute de décoffrage. Et, en prime, cela comble
les attentes à la fois des “vieux”, qui se sentent
repousser des ailes de Carpe Diem en s’envoyant un pti coup de
jus à l’ancienne, et des teenagers chez qui l’épiderme
s'éclate (enfin!) sous les piqûres d'ondes d'Épicure.
|

|
Cependant, le Rock Revival n’est pas qu’un simple réingurgitage
po ur les friands insatiables de rock, pour les frustrés de la contestation,
n'est pas qu'un calque musical, dénué de créativité.
Si les artistes utilisent une même palette, certains posent d’habiles
touches de sons et, sans dégouliner d’ersatz, parviennent à
tartiner d’excellentes toiles de bric et de rock. Les White Stripes,
par exemple, dont les chansonettes sont minutieusement parachevées,
ou les Black Rebel Motorcycle Club, dont l’univers sombre et mélodieux
transgresse l’épreuve du temps. Les Warlocks, de leur côté,
livrent un album aux thèmes délicieusement longs et désinvoltes
(à l'instar du psycholeptique "Hurricane Heart Attack").
On se délecte aussi des Yeah Yeah Yeahs, avec leur chanteuse à
la voix hystéro-glamour inimitable, ou le très hendrixien album
des Black Keys, les bordéliques Libertines, les psychédéliques
Music... Le revival ne se limite plus aux 70's, Les Sounds font flotter un
drapeau eighties, pop et fluo à la vague. Le tsunami Revival a fait
sortir de leurs ports des embarcations abandonnées, a remis sur la
plage consumériste
une armada de petits minauds relookés vintage, XXXX.
Finalement, Revival ou pas, le Rock reste cet alambic encuiré, qui
distille les humeurs bouillonnantes de son public, et dont le spiritueux,
goutte à goutte, brûle et resucre nos esprits éthérés...
The White Stripes - Elephant - Delabel
Black Rebel Motorcycle Club - Black Rebel Motorcycle Club (Virgin)
The Warlocks - Phoenix (Birdman)
The Strokes - Is This It (BMG)
The Datsuns - The datsuns (V2)
The Yeah Yeah Yeahs - Fever To Tell (Witchita)
The White Stripes - Elephant (EMI)
The Vines - Highly Evolved (Capitol)
The Black Keys - Thickfreakness (Pias)
The Music - The music (Virgin)
The Sounds - Living in America (WEA)
The Sights - Got what we want (Chronowax)
The Kills - Keep on your mean side (Pias)
The Hives - Barely Legal (Pias)
The Teenage Idols (Playground)
The Sun - Back The Summer of '72 (Warner)
The Faint - Danse Macabre (Labels)
The Detroit Cobras - Seven Easy Piece (Rough Trade)
King Khan & His Shrines - Smash Hits (Wagram)
Hoggboy - Or 8 ? (Sobriety)
The Libertines - Up the bracket (Pias)
|